ARTICLE11
 
 

vendredi 9 juillet 2010

Entretiens

posté à 20h20, par JBB
71 commentaires

Mathieu Rigouste : « Villiers-le-Bel est une vitrine des méthodes françaises de maintien de l’ordre »
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Un verdict sans surprise, peines écrasantes pour ceux présentés (sans preuve) comme ayant tiré sur la police à Villiers-le-Bel, en novembre 2007. Ces condamnations iniques ne sont pas seulement la sanction d’une révolte : elles disent aussi un enjeu économique, celui de la place de l’ordre à la française dans l’industrie mondiale de la répression. Pour en parler, Mathieu Rigouste.

Il explique : « La connaissance de ce qui nous opprime est une arme. » c’est là sans doute la meilleure façon de résumer l’impressionnant travail réalisé par le chercheur et militant révolutionnaire Mathieu Rigouste. Lui n’a de cesse de dévoiler le fonctionnement de l’appareil répressif, de démonter ses sombres mécanismes et de révéler ses néfastes ambitions. Il documente surtout une mutation à l’œuvre, qui voit l’appareil militaro-policier et ses sous-traitants assoir peu à peu leur - nationale autant que mondiale - domination. Le XXIe siècle sera répressif, ou ne sera pas.

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En L’Ennemi Intérieur1, ouvrage aussi fouillé que précieux, Mathieu Rigouste retraçait la naissance de la très française Doctrine de la guerre révolutionnaire (en octobre 2009, l’auteur répondait (déjà) aux question d’A11 ; l’entretien est ici). Il démontrait comment celle-ci - née des guerres coloniales - est peu à peu devenue mode de gouvernement. Décrivait méthodiquement un mécanisme à l’œuvre depuis le mitan des années 60, désignation d’un bouc émissaire pour renforcer le contrôle social, légitimer la coercition et justifier la croissance de l’appareil répressif. Et expliquait la circulation mondiale de la doctrine, entre vente de savoirs-faire et échange de bons procédés.

Une réflexion poursuivie - et élargie - aujourd’hui, plus d’un an après la parution de L’Ennemi Intérieur. Mathieu Rigouste travaille désormais sur l’industrie de la répression, devenue fer de lance d’un nouveau capitalisme. Il en met à jour les enjeux, nationaux et internationaux, et il décrit les intérêts en jeu, les forces en présence. Il analyse, enfin, l’inexorable montée en puissance de ceux qui alimentent et contrôlent cette industrie militaro-policière - qu’il s’agisse de moyens ou de tactiques.
Sur la carte de ce nouveau capitalisme, Villiers-le-Bel est un point d’étape, parmi d’innombrables autres. S’il s’agissait de mater une révolte - sur le terrain puis dans les prétoires2 - , il fallait aussi afficher l’efficacité des techniques françaises de la répression. Villiers-le-Bel était (est toujours) « une vitrine, au sens commercial du terme », explique Mathieu Rigouste. Le mieux est de lui laisser la parole.

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Qu’est-ce qui se joue à Villiers-le-Bel ?

La « bataille de Villiers-le-Bel » s’inscrit dans la campagne intérieure engagée en 2005. Comme dans toutes les opérations intérieures, le pouvoir y expérimente des techniques, des matériels, des projections de force. Ce laboratoire se déploie sur deux plans. Sur le plan judiciaire, on a parlé de « procès », mais ce langage relève de l’action psychologique, ce ne sont pas des procès qui ont été menés dans le cadre de cette bataille mais une phase de « stabilisation » comme pour une opération extérieure. La communication médiatico-judiciaire a été axée sur la construction d’une figure du barbare à soumettre pour sauver la civilisation. Sur le plan du maintien de l’ordre - de la coercition physique - Villiers a notamment permis d’expérimenter les UTeQ, les Unités territoriales de quartier et la « sécurisation inter-armes » (mélanges d’unités : BAC, CRS, gendarmerie mobile, Raid, GIGN…).

Le « procès » d’abord… Tous les syndicats de flics se sont mobilisés sur le sujet, ils demandaient vengeance, des peines absolues pour les inculpés de violence envers des policiers et, pour la fraction la plus radicalisée de la police, le droit de « se défendre », c’est-à-dire de tirer à balles réelles. Le contrôle des quartiers constitue le lieu d’une transformation de la police. Comme ce qui s’était passé pendant la guerre d’Algérie, lorsque dotés des pouvoirs spéciaux, les militaires employant la contre-insurrection ont commencé à militariser la société. La campagne pour la pacification des quartiers populaires, c’est la montée en puissance de la Police comme gouvernement.

Avec les nouvelles doctrines de maintien de l’ordre qui ont été expérimentées à Villiers-le-Bel, on a assisté à quelque chose de différent. Ça s’est exprimé notamment par la radicalisation de certaines couches policières. On l’a vu, d’une certaine façon, pendant la campagne organisée en soutien aux insurgés, avant le procès de Villiers-le-Bel : à Rouen, les syndicats de policiers ont ainsi protesté contre la tenue d’un concert, arguant qu’il s’agissait d’incitation à l’émeute et annonçant leur volonté de l’empêcher3. Ils ne l’ont finalement pas fait, et le concert de soutien a eu lieu. Le prince a tenu ses Molosses.

Concernant le « second procès », les peines sont très lourdes, parce que la vraie question était d’empêcher qu’on puisse rendre les coups et qu’il fallait sacrifier à la police une proie pour calmer sa fureur, au mépris même de l’apparence d’impartialité. Et c’est là encore qu’une ligne de rupture se dessine, le long de celle-ci, des oppriméEs se reconnaissent comme faisant face à une même machine de coercition, là se reconstitue quelque chose comme la conscience d’appartenir au peuple face à ce qui contrôle et réprime. Il s’agissait en outre de prouver une nouvelle fois au monde l’excellence de la répression à la française. Et la phase de stabilisation judiciaire fait partie de cet arsenal.

C’est un objectif réellement affiché ?

Oui. Dans les revues et les instituts de sécurité et de défense, on explique clairement les retours d’expérience effectués et à effectuer depuis 2005 et 2007. On décrit les méthodes testées à Villiers-le-Bel et les enjeux de leur dépassement : notamment l’expérimentation des UTeQ et la coopération gendarmerie-police, ainsi que la nécessité « d’améliorer » les rapports avec les médias et la justice pour assurer une «  communication de crise optimale ».

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Carte de l’implantation des UTeQ, piquée à 20 Minutes.

Les UTeQ sont des unités d’une vingtaine de policiers se dispatchant en petits groupes. Ils arrivent en fin d’après-midi – ceux que j’ai vus à Villiers-le-Bel – et mettent en place une sorte de couvre-feu non-juridique. C’est du quadrillage, il faut paralyser la vie sociale. On décide qu’il ne doit plus y avoir de présence, parce que si tu circules après une certaine heure c’est douteux, c’est de la provocation, même si tu rentres du chantier ou que tu sors fumer une clope… cela suppose que tu habites ton territoire, tu deviens donc un désordre potentiel. Ta seule présence est déjà résistance, révolte en puissance, c’est une offense au pouvoir policier. Les UTeQ (comme les BAC) sont des polices de harcèlement et de traque. Elles n’hésitent pas à décharger leurs flashballs à volonté pour s’assurer que personne ne s’attarde dans la rue. Quiconque vit dans un quartier où la police vient se défouler connait ces pratiques de terrorisme assermenté. Seuls ceux qui ne les ont jamais subies continuent de s’en offusquer, les autres cherchent des moyens de s’y opposer. Les UTeQ ne sont d’ailleurs pas seules pour tenir cet objectif : elles ont le soutien des CRS, qui bouclent le secteur, et de la BAC qui « va au contact » en civil.

Ce dispositif a été mis en place au printemps 2009 et a de suite provoqué des révoltes. C’est logique : placer un quartier vivant sous un régime de couvre-feu, c’est forcément s’exposer à ce que ça réagisse, les officiers de la police connaissent cette capacité de la présence policière à provoquer l’affrontement, ils ne déploient jamais leurs troupes au hasard. Les forces de l’ordre ont d’ailleurs re-pris assez cher à Villiers…

En filigrane se joue la question de l’auto-défense populaire. Après les révoltes, des habitants ont commencé à organiser une résistance collective autour du soutien aux inculpés : ils ont fait le tour des familles, des quartiers et une tournée dans quelques grandes villes de France, pour récolter des sous et faire circuler les infos autour de rassemblements. Pour le bloc de pouvoir il s’agit d’empêcher que des formes de résistance à l’oppression policière ne débouchent sur des volontés d’auto-organisation plus larges. Quand on se rend compte qu’on peut s’organiser collectivement pour s’opposer à la férocité de la police, on peut très vite mettre en cause toute la hiérarchie du système. Et de mon point de vue, tout l’enjeu de la campagne de soutien aux inculpés était justement de sortir de la séparation habituelle entre les classes populaires blanches et celles issues de la colonisation.

Pour le pouvoir et ses soutiens, l’enjeu est primordial, c’est ça ? Ils n’ont pas le droit de perdre ?

Non, même s’ils perdent quand même. À chaque fois qu’ils frappent ou qu’ils enferment, ils démontrent que l’État n’a plus ni le monopole de la violence légitime ni même aucune légitimité, et ils révèlent la frontière entre le peuple et ses gardiens.

Mais l’enjeu est autre, aussi. Villiers-le-Bel est une vitrine des méthodes françaises de maintien de l’ordre. Au sens économique du terme « vitrine » : ces techniques-là, on les vend, il existe une véritable industrie de la répression, qui implique énormément d’argent. Le fait de faire du zéro mort, de pacifier, de faire coopérer différents dispositifs policiers, de techniciser la coopération entre la police et les médias, et entre le judiciaire et la sphère politique… tout cela est mis en avant comme un savoir-faire national, un patrimoine technologique.

Tu veux dire qu’il s’agit d’être compétitif à l’international ?

Exactement. Et cela se joue à peu. Même si, depuis la guerre d’Algérie, la France n’a jamais quitté le peloton de tête des trois-quatre grands spécialistes du maintien de l’ordre, avec Israël, les États-Unis, la Colombie... Le podium évolue en permanence. Quand Israël lance une attaque sur Gaza, son opération devient le centre de l’attention générale. Et quand il n’y a pas de mort lors des émeutes de novembre 2007 à Villiers-le-Bel, tout le monde s’y intéresse, cela redore l’image des techniques françaises. Lesquelles avaient – notamment - été grandement dévalorisées après l’assassinat de Malik Oussekine, en 1986. C’est qu’il n’en va pas du contrôle des foules comme d’un terrain de guerre classique : en maintien de l’ordre, sur le territoire des sociétés de contrôle, il faut éviter de tuer. Médiatiquement, un mort coûte beaucoup trop cher.

Il faut comprendre que nous ne nous situons pas, ici, dans l’optique des États-nation mais dans une perspective transnationale, avec des dizaines de colloques et de conférences chaque année, où des spécialistes, des industriels, des gouvernants de partout se rencontrent et marchandent leurs répertoires techniques. Du même coup, ces spécialistes militaires et policiers deviennent les représentants de l’industrie de la répression.

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Photo prise par Lémi au salon de l’armement Eurosatory ; le billet qu’il en a tiré est ICI.

Tu parles de capitalisme sécuritaire : de quoi s’agit-il ?

Avec le XXe siècle et l’apparition des complexes militaro-industriels, le capitalisme a changé de forme. La question du contrôle social ne repose plus seulement sur l’encadrement du capital humain – le prolétariat – pour qu’il continue à produire. Mais contrôler est devenu un marché, avec des acteurs économiques immenses qui ont tout intérêt à ce qu’un certain désordre, gérable, se développe pour mieux le soumettre. Ils y sont d’ailleurs parvenus : depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la guerre est devenue réellement permanente, elle est partout et tout le temps, rien n’y échappe. Et la sécurité intérieure s’est imposée comme l’un des principaux marchés de cette économie de la guerre permanente. Un marché florissant. Encore une fois, c’est notamment ce qui s’est joué à Villiers-le-Bel : il s’agissait d’écraser toute forme de contestation, de continuer à séparer les classes populaires – en utilisant l’imaginaire de la race, l’imaginaire colonial -, et puis de déployer les vitrines de la marchandise française en terme de maintien de l’ordre.

Les deux guerres mondiales ont créé une couche de contrôleurs. Mais je me demande - avec beaucoup de points d’interrogation parce qu’il y a (chez Marx) une différence fondamentale entre classe et couche (la couche n’est pas du tout autonome) - si on n’est pas en train d’assister à la formation d’une classe de contrôleurs conscients. Un peu comme lors de la Révolution française, quand la bourgeoisie, une fois constituée en classe, prend le pouvoir par la contre-révolution et transforme la société. Depuis la fin de la bipolarité, il se passe quelque chose de ce style avec les « contrôleurs ».

Dans tous les cas, il y a une mutation très claire dans la forme du pouvoir. L’existence du marché de la sécurité intérieure suppose la collaboration d’investisseurs, de producteurs, de représentants, de commerciaux, bref de réseaux puissants ayant des intérêts en commun et agissant consciemment pour ceux-ci. Pendant la guerre d’Algérie et avec les doctrines de guerre dans la population, une espèce de couche s’est ainsi créée à l’intérieur de l’armée, de la police, de l’État. Elle s’inscrit dans un phénomène plus large : de façon générale, durant les guerres coloniales et au cours de tout le XXe siècle, une couche militaire d’extrême-droite et contre-révolutionnaire a contribué à transformer le pouvoir quand elle ne s’en est pas saisie brutalement. La bourgeoisie lui a concédé le pouvoir politique là où elle en avait besoin - en Amérique Latine, en Afrique, même en France avec le coup d’État du 13 mai 1958 quand le patronat colonial confie les rennes du pouvoir à un militaire, De Gaulle.

Pour résumer… Je ne décris rien de très compliqué, les sociétés de contrôle s’organisent en particulier autour de la domination des marchands de contrôles et de peur. Reste à savoir s’il s’agit encore d’une couche ou s’il est question d’une classe des contrôleurs. C’est-à-dire, comment il faut considérer les travailleurs à la base des appareils de contrôle, la « chair à canon de la police », comment les amener à rompre les rangs et à retourner leurs armes « contre leurs propres généraux ». C’est une question récurrente à laquelle il faut pouvoir répondre, car il ne peut y avoir de transformation sociale sans rupture dans les rangs des appareils de répression.

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Eurosatory par Lémi, derechef.

Ce que tu décris - la montée en puissance des contrôleurs - s’opère en un mouvement fluide, naturel ?

Non, c’est un processus complexe, traversé par de larges contradictions entre les fractions des classes dominantes et à l’intérieur des appareils répressifs. Depuis cinq à six ans, il y a ainsi en France des tensions importantes dans la police et l’armée. Le chef de l’État, par exemple, n’est pas du tout aimé dans l’armée, et ne l’est qu’à moitié dans la police – notamment parce que le gouvernement réduit les budgets et les effectifs et n’investit que dans l’achat de matériels. Des policiers et des militaires se permettent de mettre en cause publiquement les politiques de défense et de sécurité (certains sur la gauche, une grande majorité sur la droite). Tout se cristallise autour d’une ligne de transformation fondamentale, celle du développement de la sécurité privée - qu’elle soit militaire ou civile – qui doit accompagner la réduction des dépenses publiques et permettre de réagir aux « nouvelles menaces ». Les États-Unis se sont jetés dedans, mais la France a longtemps résisté à ce mouvement. Depuis le Livre blanc sur la défense, ça a changé, on le voit aussi par exemple dans les revues de défense nationale ou les colloques : l’idée que cette transformation serait inévitable s’est imposée, même si on insiste sur l’importance pour l’État de ne pas perdre le monopole de la souveraineté. L’État encadre et restreint généralement l’usage de la violence privée par les classes dominantes et s’est longtemps refusé à privatiser réellement la force. C’est maintenant terminé et il faut s’attendre à des bouleversements sur le champ de bataille.

Qui dit « processus complexe » dit absence de calcul à long terme ?

Oui et non. Il y a des calculs, évidemment, des stratégies et des tactiques mais elles entrent parfois en concurrence et peuvent s’affronter. Il y a bien une planification, celle des institutions financières internationales où les fractions des classes dominantes s’entendent autour d’un projet assez sommaire qui vise la toute-puissance des grandes corporations et la réduction des États à la fonction de Police. Mais concrètement, les choses avancent petit à petit, à tâtons. Je crois que personne n’a une vision très claire de cette évolution. C’est d’ailleurs pour ça que mon travail – L’Ennemi Intérieur - a intéressé certains militaires. Parce qu’eux n’avaient pas le droit de le mener. Même si ça évolue… Depuis une dizaine d’années, une des grandes perspectives de transformation de l’armée et de la police française repose sur le développement des sciences sociales. Après la parenthèse des années 50 à 70, les sciences humaines sont ramenées à leur fonction primordiale, c’est-à-dire le contrôle. Pour paraphraser cette vérité première qui dit que la géographie, ça sert d’abord à faire la guerre, on pourrait dire que les sciences sociales, ça sert d’abord à contrôler. Et ce besoin de sciences sociales qui s’exprime dans les institutions de contrôle trahit leur impression de ne plus rien comprendre à la situation.

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Je disais que mon livre a intéressé les militaires français parce qu’il y avait un tabou sur le sujet et qu’eux-mêmes n’avaient pas le droit de trop creuser ces sujets. Aux États-Unis, il en va différemment : la question n’a jamais été interdite et on trouve des manuels de contre-insurrection dans les rayons des équivalents de la Fnac. En France, à l’inverse, la Ve République s’est construite sur un coup d’État militaire et sur une guerre totale basée sur ces techniques, et il y avait finalement un vrai tabou sur la question. Les militaires français sont donc d’autant plus passionnés par le sujet qu’ils n’avaient pas le droit de travailler dessus jusqu’à la réhabilitation de la doctrine, autour de 1995. Et cette passion française va de pair avec le développement des instituts de recherche qui focalisent sur le contrôle des foules en milieu urbain. L’idée que les techniques de guerre dans la population influencent le contrôle social et la répression commence juste à être admise dans le monde universitaire. Alors que chez les militaires, c’est très différent, ils en ont pleine conscience et sont très fiers que les techniques de terreur d’État françaises soient prises comme référence en Irak ou en Afghanistan.

Et en arrière-fond, il y a l’omniprésence de l’idéologie coloniale ?

On n’est toujours pas sorti de cette architecture. Il y a bien une nouvelle génération politique au pouvoir. Mais elle a été élevée par l’ancienne, et l’actuelle clique gouvernementale est composée de descendants directs de la classe coloniale. Elle joue d’ailleurs sur ce terrain-là, notamment avec le débat sur l’identité nationale. Alessi Dell’Umbria4 résume bien la question, notant : « Vichy et Las Vegas, voilà les références du régime Sarkozy. »5

Et puis, il faut souligner l’apparition d’une nouvelle extrême-droite, qui reformule son idéologie et ses pratiques ; les identitaires en sont un très bon exemple, ils mêlent un vieux racisme colonial à des concepts marketing comme la diversité (pour préserver l’identité occidentale), un patriotisme pétainiste et un discours anti-libéral, c’est un fascisme éminemment contemporain. La bourgeoisie laisse proliférer et se développer l’extrême-droite comme un répertoire d’idéologies et de pratiques qu’elle l’instrumentalise lorsqu’elle en a besoin, notamment pendant les crises du capital. C’est exactement ce qui est en train de se passer : l’extrême-droite est obligée de se distinguer puisque son programme est au pouvoir sans elle.

Et le pouvoir l’utilise pour légitimer la xénophobie d’État…

Oui, la xénophobie est structurelle dans l’État-nation, désigner l’étranger comme un suspect et le priver de droit sous ce prétexte est un invariant. On n’en voit que des formes actualisées dans le débat récent sur le voile, la polygamie et le retrait de la nationalité. Les Français naturalisés sont les seuls qui peuvent perdre la nationalité, ce qui signifie bien qu’il y a deux manières d’être français. Quand tu nais français, on ne peut pas t’enlever ta nationalité – je crois qu’il y a eu un cas sur tout le 20e siècle. Tandis que si tu l’as acquise, on peut t’en priver ; la nationalité n’est qu’un masque blanc, le discours républicain pour signifier la race. En 2005, on avait parlé de retirer leur nationalité aux émeutiers « issus de l’immigration ».

Cette nouvelle xénophobie d’État, qui pioche dans la culture de l’Algérie française et de Vichy depuis les années 1970, sert surtout à justifier la fabrication d’un sous-prolétariat sans-papier donc sans-droit. Parce que la bourgeoisie a extraordinairement besoin de gens qu’elle peut sur-exploiter et expulser. Et qu’il ne s’agit pas tant de les expulser que de les maintenir dans un statut où ils travaillent pour peu et sont contraints par la peur permanente d’être raflés.

Tu restes optimiste ? Tu penses que – malgré tout – il nous reste une chance de ne pas être laminés ?

Je suis optimiste, et ce n’est pas que stratégique. Tout d’abord, on ne peut pas gagner sans croire à la victoire, j’assume cette dimension de croyance, même si la guerre sociale n’a rien à voir avec un jeu. Au fond, l’histoire n’a peut-être aucun sens, ce n’est pas très important, tout ce qui compte c’est de lui en donner un.

Cette part d’optimisme a aussi une base scientifique. Il faut critiquer le déterminisme des marxistes mais le vieux barbu - qui n’était pas marxiste - relevait pourtant quelque chose d’essentiel : la bourgeoisie aura toujours besoin du prolétariat et le prolétariat n’a pas besoin d’elle. Le système d’exploitation capitaliste est donc condamné, son histoire n’est qu’un compte à rebours. Et puis, il y a autre chose… Bakounine parlait de matérialisme révolutionnaire, et Malatesta insistait sur la question de la volonté : il s’agit de comprendre que l’histoire n’est pas écrite, que ce sont les humains qui la font. La volonté est l’un des axes de rupture principaux. Il y a des mécanismes et des règles socio-historiques mais les ruptures ne sont pas déterminées. Tous les rapports de domination (économiques, politiques, sexuels, racistes…) peuvent être brisés, mais ça ne se fait pas en un « grand soir » : il y aura toujours des champs de bataille, c’est-à-dire des opportunités de se libérer.

C’est évidemment un optimisme à relativiser. Mon boulot porte essentiellement sur « la contre-insurrection qui reste », sur le fonctionnement des machines de pouvoir. Ça a souvent de quoi démoraliser mais la connaissance de ce qui nous opprime est une arme. Il faut analyser la domination, et notamment celle qui traverse les luttes de libération. Il y a un véritable travail à mener pour comprendre comment les révolutionnaires des années 60-70 ont perdu, soit sur la question de la force soit sur leurs manières de s’organiser.

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Black Panther Party, en démonstration devant l’assemblée de l’État de Californie.

Prends l’histoire du Black Panther Party : ça a commencé par des formes d’auto-organisation et d’auto-défense qui répondaient à de véritables besoins du peuple noir. C’est à partir de là et pas avant, que se sont formés les groupes qui donnèrent naissance à cette véritable arme révolutionnaire qu’était le BPP. Ça ne m’empêche pas de porter un regard critique sur le côté autoritaire et hiérarchisé du Black Panther Party…
D’ailleurs, il y a un mec assez intéressant aux Etats-Unis, Ashanti Alston, qui se fait appeler Anarchist Panther. C’est un ancien de la Black Liberation Army, donc de la branche armée clandestine du Black Panther Party. Et il tente, avec d’autres groupes, de relancer des pratiques d’organisation à la base, autour de la question de l’oppression : il ne s’agit plus de s’organiser entre Noirs, mais entre pauvres, entre oppriméEs. Il reprend la même base que le BPP, mais avec un dépassement sur la question autoritaire et sur la question du racisme (plus les questions anti-impérialistes, anticapitalistes, antifascistes et antisexistes qui étaient déjà mises en avant dans le BPP). Son discours et ses pratiques sont éclairantes.

Même si on en n’est pas là, les résistances des quartiers n’ont jamais cessé de se développer, elles cherchent depuis longtemps à se fédérer ; si elles y arrivent sur la base de l’auto-organisation et de l’autonomie des luttes, elles constitueront sans aucun doute un front décisif. Mais il faut continuer un travail sans fin et pourtant essentiel : bâtir une éducation populaire émancipatrice. Il y a toute une génération post-2005, qui a vécu les révoltes comme une inter-reconnaissance entre les quartiers – façon « on est capable de faire ça ». Mais aussi comme quelque chose de décevant, parce que ça n’a rien donné. Une idée puissante se répand : alors que brûler peut être le point de départ de quelque chose – ça ne doit pas être un point final.



1 Éditions La Découverte.

2 Pour un compte-rendu de ce procès inique, tu peux (entre autres) lire ce bon papier d’Ornella Guyet, publié sur Basta : Villiers-le-Bel : un procès stalinien contre les jeunes de banlieue.

3 Le 11 mai, le syndicat Unité police et le Syndicat général de la police, tout deux affiliés à FO (premier syndicat chez les « gardiens de la paix »), en ont en effet appelé au ministre Brice Hortefeux pour qu’il interdise ce concert de solidarité, qualifié « d’incitation à la révolte face à la police, face au pouvoir ».

4 Alessi Dell’Umbria est l’auteur de l’excellente Histoire universelle de Marseille (éditions Agone) et du percutant C’est de la racaille ? Et bien, j’en suis ! (éditions L’échappée, réédité par les éditions Agone sous le titre La Rage et la révolte).

5 La citation est tirée de Villiers-le-Bel : le procès d’une révolte, texte publié par Alessi Dell’Umbria en soutien aux insurgés. À lire (notamment) sur le blog des éditions Agone.


COMMENTAIRES

 


  • Absolument brillant et passionnant !

    Merci infiniment pour l’humour et l’intelligence.

    Oui, j’ose le clamer : Article XI, tu es grand !!!

    • Eheh… ça compte pas, tu es partial :-)

      (Mais tout d’accord : grand merci à Mathieu Rigouste)

      • Ya pas de flagornerie : avec ce type de texte, parmi de nombreux autres, Article 11 est « important », pour le moment aucun autre mot ne me vient. Vous parliez de dégager une « ligne éditoriale » pour la version papier, il semble que vous l’ayez bien en tête en tous cas . J’ignore le taux de fréquentation du site, mais on peut en parler comme d’un « organe conscient ». Qui doit déjà attirer bien des oreilles malveillantes, d’ailleurs...

        • C’est clair qu’on ne se voit pas comme ça - enfin, je veux dire « important » ou « organe conscient ». Mais c’est clair aussi que c’est agréable à lire ; grand merci, donc.
          Et puis, surtout, tout ça ne fonctionnerait pas si on n’avait pas la chance de tomber (je voulais dire : pour les entretiens - mais ça fonctionne en fait pour à peu près toutes les rencontres qu’on fait et amitiés qu’on forge au travers du site ; et puis, c’est aussi le cas avec la très grande partie des commentateurs ; bref, bonheur général) sur des gens passionnants et prêts à donner de leur temps.

          « Qui doit déjà attirer bien des oreilles malveillantes »

          Eheh… ceux-là, on les attend de pied ferme :-)



  • « la bourgeoisie aura toujours besoin du prolétariat et le prolétariat n’a pas besoin d’elle. Le système d’exploitation capitaliste est donc condamné, son histoire n’est qu’un compte à rebours. »

    Mwè... L’humanité se trimballe sa classe dominante depuis la nuit des temps et pourtant ne s’en est jamais débarrassée.

    À part ça bravo pour l’article, peu de sites web ont un contenu aussi bon que le vôtre. Vivement le papier.

    • Interview passionnante. Je n’ai toujours pas lu le livre...

      Les sciences sociales sont nées d’une nécessité de contrôle social au XIXe par les États européens en développement. Ça commence peut-être avec la systématisation des recensements sous Napoléon...

      L’extrême droite italienne est en avance de quelques longueurs sur la française... On remarque que la Ligue Lombarde ou feu Alleanza Nazionale, intégré au parti Popolo della Libertà, sont totalement intégrés à la société du spectacle. D’une part les leaders sont associés à la classe capitaliste et politique dominante et, d’autre part, ils sont omniprésents au sein du complexe de propagande mass-médiatique qui banalise leur présence dans l’espace public, notamment via le groupe Mediaset appartenant à S. Berlusconi.

      Par exemple, comme tous les autres hommes politiques, il n’est pas rare de voir Alessandra Mussolini (petite fille du Duce) participer, non pas à des émissions politiques, mais à des programmes de divertissement en prime time qui participent d’une démystification et d’une dépolitisation de sa personne. Elle apparaît sous un jour éminemment sympathique.

      Cette mise en spectacle de l’extrême droite très avancée en Italie donne, en n’en pas douter, des idées au Front National et à Marine Le Pen, F.N. qui avait à ces débuts décomplexés les autres extrêmes droites européennes, dont Alleanza Nazionale... dont le symbole est une flamme aux couleurs du drapeau italien.

      Paradoxalement, malgré cet dégénération de la classe politique italienne, l’Italie reste une terre fertile en terme d’innovations sociales et écologiques.

      • @ anonyme 01:01 : « depuis la nuit des temps »

        C’est vrai. Mais qui sait : ça finira peut-être bien par changer un jour…

        (Merci, c’est cool)

        @ anonyme 09:48 : j’ai viré ton commentaire. Je vois pas ce que le mot « nègre » vient foutre là, et ça me plaît pas.

        @ ZéroS : merci pour l’éclairage. :-)

        A te lire, je me rends compte que je connais finalement mal la situation italienne. Imaginer la petite fille Mussolini débarquer sous les applaudissements des spectateurs sur un plateau à la con, ça fout les boules… Comme ça fiche les glandes (ou la peur, plutôt) de voir combien semble programmée l’ascension de Marine Le Pen, combien se multiplient les portraits laudateurs en filigrane et les invitations discrètes (mais répétées) à la considérer comme une politique classique et - somme toute - respectable. A tel point que je commence à penser qu’il ne serait même pas étonnant de voir la fille Le Pen intégrer par la bande l’écurie sarkozyste pour les prochaines présidentielles. J’ai l’impression qu’on y coure à toute vitesse.

        • Pas certain que la fille porcine intègre l’écurie du petit eugéniste social en 2012. Elle se couperait d’une grande partie de sa propre base électorale, abreuvée de discours « anti-establishment » par sa vieille barrique de père. En revanche, avec la conjugaison du scandale Woerth-Bettencourt, de la crise économique et de la catatonie semble-t-il permanente de la gauche française, il se pourrait que les élections présidentielles de 2012 soient le théâtre d’une réédition de la pantomime démocratique de 2002...

          Je déteste la politique fiction, mais j’ai la nette impression qu’à nouveau il n’y aura aucune « union » à gauche, même pas sur les plus petits dénominateurs communs (et effectivement, comment concilier le radicalisme de gauche qui veut balayer l’Union des Mercantiles et des Pétainistes, avec un candidat comme Royal ou Strauss-Kahn ?), et que les voix se disperseront à nouveau face à un bloc sarkozyste (composé des ahuris qui se sont persuadés que le pays se rénove et des réactionnaires qui veulent pousser la coercition sociale et économique encore plus loin) et face à une extrême-droite désormais réhabilitée, y compris au niveau médiatique. La truie a gagné 7 pts dans les sondages en une seule semaine de frasques ploutocratique - même si on sait que les sondages sont encore un moyen de contrôle et de formatage des opinions. Le spectre d’un nouveau « choix » entre droite parlementaire et droite nationale est en train de se concrétiser.

          A ceci près que je ne conçois pas une seconde que la gauche modérée puisse appeler cette fois à voter Sarkozy comme elle appela à voter Chirac. Les techniques de contre-insurrection pourraient bien alors trouver sur le territoire des illustrations plus vastes et plus systématiques qu’à Villiers-le-Bel. C’est aujourd’hui que nous avons besoin que se répande la lucidité d’un Rigouste, car à l’image des grecs, nous pourrions bientôt devoir mettre tout ça en pratique si cette fraude qu’on appelle « élections » devait nous proposer ce « choix » en 2012...

          • « il se pourrait que les élections présidentielles de 2012 soient le théâtre d’une réédition de la pantomime démocratique de 2002... »

            Oui, et en pire…

            « Je déteste la politique fiction »

            Aïe… Il va falloir que tu me pardonnes, alors, parce que c’est pile-poil ce que je fais en ma réponse. :-)
            Adoncques :

            Pour la fille porcine (parfait résumé), l’argument tient : elle y perdrait une partie de son électorat. Mais c’est pourtant quelque chose qui se vérifie souvent, en Europe, avec l’extrême-droite : elle finit souvent par intégrer les coalitions électorales de droite. Si je ne me trompe, ça a fonctionné en Autriche avec le FPO de Haider et en Italie avec l’Alliance Nationale de Fini. Et il me semble que Marine Le Pen correspond parfaitement à cette évolution, avec un visage prétendument civilisé qui permet aux médias et aux sondages de la présenter comme une alternative crédible.

            Et puis, il y a autre chose. Un double mouvement : alors même que Marine Le Pen prétend présenter un visage plus respectable que son père (image mensongère, mais image quand même), il lui faut se placer stratégiquement (donc, se singulariser) par rapport à un parti majoritaire qui a fait main basse sur une bonne partie du discours et du programme du FN. Et là, je ne vois que deux choix : repartir dans les outrances verbales à la papa ou rejoindre la coalition de la droite dure, en pariant que ce choix électaro-gouvernemental payera à terme, en ce qu’il lui aura permis de s’afficher réellement au pouvoir. La deuxième alternative me paraît d’autant plus envisageable que la frange dure de l’UMP tient texto le même discours que le FN et que Sarkozy a besoin d’élargir sa base électorale pour 2012.

            « C’est aujourd’hui que nous avons besoin que se répande la lucidité d’un Rigouste, car à l’image des grecs, nous pourrions bientôt devoir mettre tout ça en pratique »

            Oh que oui. Il faut se préparer - j’entends : intellectuellement (même si physiquement, il faut aussi). L’épatant travail réalisé par Rigouste ne fait que mettre le doigt sur un vide béant : hormis lui et quelques autres, il y a un très large impensé du rapport aux stratégies des forces de l’ordre et au pouvoir de la répression dans les rangs de la gauche radicale.

    • Le prolétariat aussi a besoin de sa bourgeoise car elle le fait rêver et c’est par elle que ses fantasmes évoluent, que ses espoirs de l’obtenir, la toucher, existent... les deux sont indiscociables... le problème n’est pas le système mais bien l’homme... Quelque soit le système et la rotation qui ne se fait pas...
      A juste regarder les fonctionnement dans les entreprises, les Conseils Généraux, régionaux, etc... Au sein même des couples, des familles... Les frustrés, tendent a capter l’énergie de l’autre ou des autres. Les élus restent les même et ils se refilent le travail entre eux, sans jamais se soucier de la valeur et de la provenance de cet argent qu’ils manipulent...
      Un homme du gouvernement dira « On a alloué X euros pour les chomeurs »... On dirait que ca sort de leur poche et que c’est un acte de bonté... les gens acquiescent ou vont gueuler dans un journal, mais au final tout le monde s’en fout...
      Pointer du doigt sur une caste équivaut au racisme... C’est improductif et inutile... Les cités ont dit merde et on va tenter de les apaiser... les campagnes souffrent encore plus que les cités mais comme elles ne disent rien... elles n’auront rien, sauf des élus miteux qui se font des passation d’arme entre copains...

      Tout le monde semble accepter cela, alors où est le problème. Les médias lockent les débats en exagérant les propos qui ne leur conviennent pas. La cité fait de même...

      On considère une balance, qq’1 qui relaie des actes criminels aux forces de police... C’est le monde à l’envers. Une fois interpellé, le mec a un sursis de X temps s’il n’en eest pas à son 60e acte.
      Les prisons sont pleines mais improductives. Pourquoi une société paye deux fois pour un criminel. La première, nous devons assumer sa connerie, la seconde, on le nourrit en prison... Il devrait rendre par le double ou le triple, ce qu’il a volé, enlevé....

      La bourgeoise a bon dos... Et vous l’aimez bien au final !!!



    • Juste une remarque (just a point) d’ordre linguistique : contrôle des foules, c’est mal traduit. C’est un anglicisme et cela peut prêter à confusion. En anglais, « control » veut dire « maîtrise », et implique une action sur l’objet. En français, « contrôle » signifie simplement vérification.
      Ici, il s’agit bel et bien de maîtriser les classes dangereuses, de leur faire lourdement sentir la main de fer de l’Etat. On ne se contente pas de « vérifier » que les cartes d’identité sont authentiques, on travaille du tonfa, du flashball (pas encore de traduction française ?), de la garde à vue et... de la condamnation à quinze ans, comme à Villiers-le-Bel.
      On maîtrise, on réprime, on écrase, on mate.
      Mais à part ça, bravo au camarade Mathieu Rigouste pour son boulot.

      • « la nationalité n’est qu’un masque blanc, le discours républicain pour signifier la race. »

        je flaire une connerie là
        un peu comparable à qui dirait que la laïcité est un projet colonial.

        • « En 2005, on avait parlé de retirer leur nationalité aux émeutiers « issus de l’immigration ». »

          ça, c’est du racisme tout court, qui provoque
          parce qu’ils ont je ne sais quelle invention débile en tête !

          ça ne doit en aucun cas nous emmener à faire de la violence épistémique et partir dans leur discours hallucinant de profiteurs.

          ce serait montrer trop de tolérance, alors qu’on n’a pas à tolérer de tels propos.

          cela est intolérable, point.

          • @ anonyme 11:21 : cool, je vais mater ça.

            @ Karib : je dois bien avouer que je maîtrise très mal l’anglais. Mais tu as sans doute raison, l’expression ne rend pas honneur (euh, façon de parler…) au caractère intrusif de la violence que Mathieu Rigouste évoque ici.

            @ anonyme 15:38 : tu flaires ? Ce serait bien d’expliquer pourquoi, hein.

            De façon générale, je commence à en avoir ras-le-cul de ce type de commentaires, qui balancent une phrase à la va-vite sans qu’on comprenne de quoi il s’agit. T’as quelque chose d’intéressant et un minimum construit à dire, ok. Sinon, désormais, ce sera les grands ciseaux de la censure.

            @ anonyme 16:07 : je ne comprends pas ce que tu veux dire.

            • je crois que si il y a incompréhension, c’est parce que l’article n’éclaire qu’en partie sur les mutations de l’appareil industriel.

              l’article se limite à parler d’une industrie de la répression
              c’est très spécialisé comme recherche.

              si on élargit, on se souvient que pendant la guerre froide, la France a maintenu son indépendance militaire au sein de l’OTAN et de pair, sa politique nucléaire visait à l’indépendance énergétique.

              C’était pas de la paranoïa, c’est normal qu’un pays mise sur sa propre défense.

              Ensuite il y a eu un renversement de l’ordre mondial.
              Le communisme a été décrété mort et c’est à ce moment que se produit la « mutation », autrement dit le redéploiement de l’appareil industriel et la France qui suit comme un toutou.

              Le constat qu’il y aurait à faire, c’est que la France aurait mieux fait de poursuivre la recherche nucléaire à des fins civiles et par ailleurs ne pas s’inféoder totalement à l’OTAN.

              Les capitalistes s’en sont aussi donné à coeur joie pour délocaliser et ruiner le pays qui avait déjà été pillé par l’Allemangne pendant la seconde guerre mondiale.

              Tout ça s’inscrit dans la logique du Capitalisme.

              donc c’est plutôt :

              le XXI ème siècle sera capitaliste ou ne sera pas

              alors quel intérêt de dire ennemi extérieur ou ennemi intérieur ?

              le Capitalisme, voilà l’ennemi !

              ps :

              Franchement, les marxiens devraient porter des lunettes !



  • Simplement bravo...

    Je suis optimiste, et ce n’est pas que stratégique

    Le bonheur est un combat

    même si la guerre sociale n’a rien à voir avec un jeu

    Il serait bon que tous les acteurs en prennent réellement conscience...

    C’est une question récurrente à laquelle il faut pouvoir répondre, car il ne peut y avoir de transformation sociale sans rupture dans les rangs des appareils de répression.

    "Parlons clair : étant donné la puissance matérielle dont dispose l’ennemi, il faudra, pour vaincre, un mouvement international ou qui, commencé à un endroit, s’internationalise rapidement.

    Il faudra des armes, il faudra la complicité ou la passivité d’une partie des armées ; il faudra des ententes pour que les moyens de transports, de communication, de production soient paralysés dans la mesure où ils servent l’oligarchie et pour qu’ils soient mis au service de la démocratie directe."

    Qu’est ce que la démocratie directe - Fabrice Wolff - Editions Antisociales 2010 - p. 136

    Il faut analyser la domination, et notamment celle qui traverse les luttes de libération.

    Pareil.

    cette véritable arme révolutionnaire qu’était le BPP

    Je suis en plein dans la lecture du Weather Undergroud (merci Lémi)...contrairement à ce qui c’est passé au états-unis, nous sommes encore loin de faire naître une conscience politique réelle en banlieue, ou qui émerge de la banlieue...mais je peux me tromper...

     × « Le pouvoir aux travailleurs » changé en « Le pouvoir au peuple » -
    « Derrière le spectacle chaotique des luttes fractionnelles, un pan entier de la jeunesse blanche radicale venait en réalité de rompre avec la suprématie blanche et de s’allier fièrement, délibérément et consciemment avec les militants de couleur et les luttes de libération nationales. » juin 1969

    Weather Underground - Dan Berger - L’échappée - 2010 - p.139

    M.G. va-t-il passer en province un jour ou faut-il monter à la ville ?

    amitiés

    • Plein de chouettes références !

      Je n’ai pas lu le bouquin de Fabrice Wolff (c’est bien, d’ailleurs ?), mais c’est clair que poser réellement les conditions d’un véritable changement n’incite pas réellement à l’optimisme. Des fois, je me dis que je préfère continuer à rêver… :-)

      « je peux me tromper... »

      Je suis plutôt d’accord avec toi. Ce qui est sûr, c’est que si ça arrive, cela va prendre du temps. Ce que Mathieu dit d’ailleurs bien dans l’entretien ; il n’y aura pas de politisation éclair, et il « faut continuer un travail sans fin et pourtant essentiel : bâtir une éducation populaire émancipatrice ».

      « M.G. va-t-il passer en province un jour ou faut-il monter à la ville ? »

      Ces derniers mois, notamment autour de la campagne de soutien aux inculpés de Villiers, il a beaucoup tourné en province. A mon avis, « à la ville » ou « en province », tu finiras par croiser sa route.

      • salut JBB

        je réponds dans le désordre...

        Je n’ai pas lu le bouquin de Fabrice Wolff (c’est bien, d’ailleurs ?)

        Honnêtement, question référence, je ne suis pas un foudre de lecture ( Weather Underground et Contribution à la guerre en cours)... mais je trouve certains passage du livre excellent - Parabase et Exode - dont je recopie ici et des morceaux...
        La parodie d’Ubu est d’une justesse (je suis un gros fan )... je comprends qu’on puisse prendre son pied en lisant !!!

        faudrait que j’achète aussi l’ E.I. au cas où je croise Mathieu !

        amitiés



  • Quelqu’un peut-il m’éclaircir ce passage ?Merci.

    Les deux guerres mondiales ont créé une couche de contrôleurs. Mais je me demande - avec beaucoup de points d’interrogation parce qu’il y a (chez Marx) une différence fondamentale entre classe et couche (la couche n’est pas du tout autonome) - si on n’est pas en train d’assister à la formation d’une classe de contrôleurs conscients. Un peu comme lors de la Révolution française, quand la bourgeoisie, une fois constituée en classe, prend le pouvoir par la contre-révolution et transforme la société. Depuis la fin de la bipolarité, il se passe quelque chose de ce style avec les « contrôleurs ».

    J’ai lu le livre,je ne me souviens pas qu’il parlait(M.RIGOUSTE)de couche de contrôleurs et de Marx.

    Ces fameux contrôleurs,c’est bon pour nous la piétaille ?

    • Salut

      Je n’ai pas lu Marx, mais ce contrôleur n’est-il pas ce fameux démocrate chrétien...pacifiste acharné de surcroît, prônant la non-violence car ayant peur de se salir les mains... le même qui va demander une protection pour pouvoir se payer une croisière à bord du Ponant, au nom de la Paix dans le monde et du libre marché ?

      • @ anonyme 19:02 : en effet, Mathieu Rigouste n’évoque pas les contrôleurs dans L’Ennemi Intérieur. Il s’agit là de la poursuite de son travail, avec une vision des choses résolument marxienne.
        Je ne veux pas parler à sa place, mais… je vais quand même le faire un peu. Si je ne me trompe, les contrôleurs sont les spécialistes, industriels, gouvernants qui tirent les ficelles de l’industrie de la répression. Ainsi que ceux qui y participent et que Mathieu cite à un moment de l’entretien, parlant «  d’investisseurs, de producteurs, de représentants, de commerciaux, bref de réseaux puissants ayant des intérêts en commun et agissant consciemment pour ceux-ci ».

        @ fred : presque :-)

        • Merci pour l’éclairage.Quel luxe sur ce site,on peut obtenir de l’aide pour comprendre.

          • L’expression « contrôleurs » ne fait-elle pas plutôt référence aux organes coercitifs des « sociétés de contrôle » de Deleuze ? Je tire cette interprétation de l’idée que selon Rigouste, certains organes « contrôleurs » deviennent « conscients », ce qui serait une mutation partielle des « sociétés de contrôle » depuis la chute de l’ennemi extérieur soviétique. Une activation consciente des « contrôleurs », directement issus des complexes militaro-industriels occidentaux, qui se vouent désormais à la répression des insurrections à l’échelle planétaire, qu’il s’agisse de manifestations sporadiques de désespoir social (les banlieues européennes), de résistance au fait colonial (Palestine) ou de sécurisation du capitalisme (monde entier).

            • @ anonyme 03:42 : de rien, c’est un plaisir. En plus, tu as en prime l’explication de U.H.M, qui m’a l’air beaucoup mieux référencée et plus réfléchie que la mienne.

              @ U.H.M : je m’incline, ton explication me semble beaucoup plus convaincante que la mienne. Merci pour l’éclaircissement.

        • Comment ça « presque » ? ;-)

          Ils sont tous là !

          Toutes les personnes mêlées au dénouement heureux d’une semaine d’angoisse en mer s’expriment : les armateurs qui ont versé la rançon de 2,15 millions de dollars, le secrétaire général de l’Élysée, Claude Guéant, le chef d’état-major de l’armée, le général Jean-Louis Georgelin, le directeur des services secrets, Pierre Brochand, les commandos de marine, le GIGN, et aussi le ministre de la Sécurité du Puntland, région de Somalie, qui affirme avoir négocié avec la France la libération des otages.

          Deux ans après leur transfert en France, les six suspects somaliens attendent encore d’être jugés. Le Ponant, lui, a repris la mer. Mais, dans la zone sensible du golfe d’Aden, il ne navigue plus que sous escorte militaire.

          amitiés



  • Moi, un truc qui m’a frappé au « procès » de Villiers-le-Bel... et, je n’ai entendu personne en parler. Parce que si j’ai bien suivi, c’était un jury populaire, c’est ça ? Et bien (si c’est bien ça), ce que je trouve choquant, c’est les menaces et la violence qui a dû s’exercer sur ce jury populaire.

    Je ne sais pas, mais je crois qu’on n’est pas anonyme quand on est dans un jury populaire ? Parce que vous vous rendez compte des pressions que ça exerce sur l’ensemble du jury populaire !

    S’il ne fait pas ce que désirent les policiers ? Allez, par exemple, il en suffit d’un (et un seul) qui les inscrivent dans un de ces « fameux » fichiers, et là... le membre du jury, il peut dire adieu au moindre emploi, au moindre logement, etc. Auprès de qui il peut trouver protection, le membre du jury ? Je crois que si j’avais été obligé d’être membre de ce jury populaire (si c’est bien un jury populaire), je crois que j’aurais été au-delà des désirs des policiers ! Flinguer une vie, et même peut-être attirer des problèmes à son entourage... ça ne fait pas le poids dans la balance. Et on appelle ça « justice »...

    • Bien vu, Crabiste. Sans même parler de menaces précises et exprimées, vu l’attitude de la juge en public, on imagine à huis clos…

      Quant à l’hypothèse de la formation d’une classe de « contrôleurs » (Karib a parfaitement raison, « contrôle » traduit check et « maîtrise », control), hum. Une couche, une fraction, sans aucun doute, mais ça m’a pas l’air non seulement suffisament « autonome », mais surtout suffisamment individualisé et séparé dans le processus global de reproduction. Enfin, on attend le prochain bouquin de MR maintenant…

      • dimanche 11 juillet 2010 à 03h50, par ZeroS

        Il faut savoir que les plus grandes entreprises transnationales de sécurité sont cotées en bourse. Ces consortiums - notamment issus de pays anglo-saxons (États-Unis, Australie, Afrique du Sud) - gèrent des prisons dont l’administration a été privatisée, des camps où sont concentrés les immigrés (exemple des îles satellites de l’Australie), des entreprises de protections (pour gated communities et autres représentations des intérêts capitalistes) mais aussi l’approvisionnement en mercenaires des coalitions armées occidentales (Afghanistan, Irak ou encore pays africains avec des ressources minières). La « gestion des risques » (novlangue Geos) des particuliers, entreprises et institutions est une filière totalement intégrée au capitalisme transnational.

        • dimanche 11 juillet 2010 à 20h24, par JBB

          @ Oncologue : tout à fait. Les médias comme la police se sont étendus en long, en large et en travers sur les prétendues pressions qu’auraient subi les témoins anonymes et à charge. Mais ils ne disent pas un mot de celle placée - même indirectement - sur les membres du jury.

          @ Cobab : « vu l’attitude de la juge en public, on imagine à huis clos… »

          Oh que oui, derechef.

          @ ZeroS : il me semble d’ailleurs que les mercenaires et entreprises de sécurité dites privées sont plus nombreux en Irak que les militaires eux-mêmes.

          • lundi 12 juillet 2010 à 15h06, par HN

            Le mieux pour ne pas être appelé(e) à faire partie d’un jury, c’est encore d’avoir un casier, non ?

             ;-)

    • C’est bien ce que je voulais dire en m’étonnant des révélations de Claire Thibout. Je persiste une MERVEILLE...



  • Besoin d’un renseignement - mathieu rigouste était l’invité de Radio G début juillet et c’est là que j’ai entendu parler de son travail. Il était avec un autre intervenant mais je n’ai pas noté son nom ni le titre de son livre (j’étais en voiture). Est-ce que quelqu’un peut me le donner svp ?

    • Selon Radio-Grenouille :

      Quand les jeunes des cités sont érigés en nouvel ennemi intérieur et la gestion sécuritaire de la peur mène à la guerre urbaine de basse intensité. Avec Alessi dell’ Umbria, auteur de La rage et la révolte (Agone) ; et Mathieu Rigouste, auteur de L’ennemi intérieur. La généalogie coloniale et militaire de l’ordre sécuritaire dans la France contemporaine (La Découverte).

      Tu trouveras l’émission ICI. Et il y était en compagnie du très classe Alessi Dell`Umbria, dont tu pourras d’ailleurs lire incessamment sous peu un long entretien sur Article11.



  • RGPP et 5S :

    Depuis le Livre blanc sur la défense, ça a changé, on le voit aussi par exemple dans les revues de défense nationale ou les colloques : l’idée que cette transformation serait inévitable s’est imposée, même si on insiste sur l’importance pour l’État de ne pas perdre le monopole de la souveraineté. L’État encadre et restreint généralement l’usage de la violence privée par les classes dominantes et s’est longtemps refusé à privatiser réellement la force. C’est maintenant terminé et il faut s’attendre à des bouleversements sur le champ de bataille.

    Giat est devenu Giat Industrie puis, en 2006 Nexter. Ils avaient tout misé à l’époque sur le char Leclerc pour contrer les « meutes de chars Rouges déferlant dans la percée de Fulda »... maintenant c’est le Caesar (qui n’a rien bouleversé du tout sur le champ de bataille)... « O tempora, O mores »...et le Scorpion (quelque chose a finalement été signé à Eurosatory ?) ...

    feuille de route de progrès

    Quelques infos utiles sur ceblog sur la privatisation de la DCN

    Ne pas oublier Thalès :

    C’est l’histoire d’une des plus invraisemblables promotions du capitalisme français. Cette opération, qui devrait être officialisée d’ici à l’assemblée générale des actionnaires de Thales, le 19 mai, fera passer ce polytechnicien d’une société franco-française d’environ 600 millions d’euros de chiffre d’affaires à un géant mondialisé de 12 milliards de chiffre d’affaires..

    Michèle et Nico, une histoire qui dure depuis l’hiver 2008...

    « Le temps est venu de reconnaître la place du secteur privé dans la protection de nos concitoyens » , écrit Michèle Alliot-Marie dans un livre blanc sur « la participation de la sécurité privée à la sécurité générale en Europe »

    Sous sa double casquette de chef de l’État et de président de l’Union, il acte que « la demande et l’offre de sécurité se font plus pressantes et exigeantes, en raison de l’espace laissé par la réduction nécessaire des dépenses des États ». L’acteur public n’a donc plus les moyens d’assumer seul sa mission.

    "Notre dernier chauffeur est parti hier pour le Sahara, dans le pétrole, à cause des primes, des zones
    et des assurances sociales : le goût de luxe, l’esprit nouveau."

    Il faut rester motivé...



  • Ben si c’est ça qu’on veut vendre à l’exportation :
    « nous tentons d’assurer, à un coup socialement acceptable,le confinement et la stabilité de l’ensemble de la société française.[...]aujourd’hui c’est la peur de l’insécurité, fortement correlée à la peur de l’étranger,la hantise du ghetto, à la fois hyper-réel et fantasmé, qui sont les ferments de la cohésion sociale. »
    Avec l’affaire de Villiers-le-bel, on voit que la direction de la sécurité, et ceux qu’elle sert, « fait du travail de la police un instument de lutte idéologique, elle remplace la recherche de la preuve par une habile politique de communication, et c’est elle qui gagne. »
    in Bien connu des services de police,Dominique Manotti,Série noire, Gallimard, 2010, p.65
    Sauf que le coût n’est pas socialement acceptable et encore moins quand ce sont des mômes qui en font les frais.
    Effectivement, en contrôlant la communication, c’est la police qui gagne mais l’émergence des nouveaux média et surtout leur démocratisation pourrait changer la donne. On s’attend donc à une reprise en main drastique du net pour éviter de nouvelles affaires du type Woerth-Bettancourt ou de la capacité de diffuser des films où on voit des policiers outrepasser leurs devoirs et piétiner les droits de ceux qu’ils sont censés protéger.

    • C’est un nouveau pas vers l’émergeance de la summa divisio entre Elois et Morlocks, Elois contre Morlocks. La partition sociale transcende les frontières, et se pare d’adjectifs ethniques, religieux ou culturels. On établit des ponts entre dissidences internes et conflits mondiaux, on pratique une propagande éhontée, on répand une novlangue néolibérale insidieuse qui mixe les concepts en une vaste entreprise de décérébration. Que l’on se penche sur le traitement médiatique des émeutes de 2005, des crimes coloniaux commis par Israël, des « guerres préventives » menées par l’amérique néoconservatrice, de la criminalisation de ce qu’on a appelé la « mouvance anarcho-autonome » (avec la résurgence de l’emprisonnement politique et la promotion des lois d’exception de 1936) : les « éléments de langage » sont les mêmes. Et pas besoin de remonter à Klemperer pour savoir ce que dissimulent les manipulations linguistiques et sémantiques. Le contrôle est une programmation, la programmation vise à la perpétuation de la domination capitaliste automatique et bientôt totalement cybernétique.

      • à U.H.M

        impossible car dans la réalité il n’en existe pas moins des défis mondiaux lesquels devraient être mieux contrôlés.

        la santé par exemple.

        or, si nous ne constatons pas qu’ils nous apportent pas un état de complet bien-être physique, mental et social, c’est bien que c’est juste une vitrine, un vernis capitaliste sous lequel leur barbarie transparaîtra toujours, s’ils n’adoptent pas des méthodes plus civilisées.

        • @ Gilles : « On s’attend donc à une reprise en main drastique du net »

          Je me dis parfois que c’est le net qui s’annonce, dans les années à venir, comme le principal axe de bataille, celui qui serait l’un des plus caractéristiques du temps. Ensuite finit toujours par arriver le sentiment profond qu’on ne peut contrôler le net, que c’est impossible de revenir sur cette (r)évolution fondamentale, qu’ils ont déjà perdu ce combat. J’espère.

          @ U.H.M : « Elois contre Morlocks »

          Là, je dois bien avouer mon ignorance. De quoi s’agit-il ?

          Pour le reste, je m’incline. Derechef.
          Surtout là : « Le contrôle est une programmation, la programmation vise à la perpétuation de la domination capitaliste automatique et bientôt totalement cybernétique. »



  • dimanche 11 juillet 2010 à 18h23, par silversamourai

    Dans la réalité que je perçois lors de mes déplacements dans certains territoires mon angoisse constate que l’ordre qui y règne est celui de l’arbitraire absolu -Arturo UI-Tony MONTANA même combat-
    La vitrine dont vous parler n’est qu’un voile des « autorités » pour masquer leur incompétence qui elle-même est, peut-être, un écran à la lâcheté qui se révèle à eux dans le miroir de la canaille.

    • salut samouraï

      l’arbitraire est source d’angoisse, c’est vrai
      mais un mauvais scénario peut se déconstruire.

      la canaille ne doit pas être mise sur le même plan que les autorités

      s’agit de séparer les autorités de la canaille.

      les autorités doivent dissuader la canaille et c’est pas sur la canaille que l’autorité doit se fonder.

      • Tant pis si je passe pour un pinailleur linguistique, mais j’insiste (et remercie au passage Cobab d’avoir souligné comme moi que « contrôle » en français traduit le mot anglais « check », comme les délicieux « check-points » en Palestine, mais que l’anglais « control » se dit en français « maîtrise ».) Il s’agit donc là de ce que l’on appelle communément (même Deleuze s’y est trompé !) un faux-ami.
        Ce serait purement anecdotique si cela n’entraînait la confusion de deux registres qui finissent d’ailleurs par se confondre dans les nécessités de la répression qu’exercent les classes dominantes.
        Après tout, pour maîtriser (« to control ») il faut d’abord surveiller (« to check ».)
        Mais au sein du procès de production de la soumission, la surveillance (dans sa forme contemporaine elle affecte la forme des caméras, du gps, des applications informatiques diverses et variées) ne se réduit pas à sa seule fonction directe : elle diffuse également de l’idéologie par son existence même, au point que les populations apeurées finissent par réclamer elles-mêmes plus de caméras, plus de contrôles, plus de surveillance. La répression brutale ne vient qu’ensuite, lorsque quelques irréductibles auront eu la fâcheuse idée de ne pas intérioriser la soumission qu’on attend d’eux. Là, on maîtrise les récalcitrants.
        Cela dit, et sans vouloir déprécier les merveilles de l’industrie moderne de la peur et de la répression, on peut constater que les époques précédentes savaient fort bien se débrouiller avec les limites techniques qui étaient les leurs. Dans un village, une petite ville, un quartier, le curé et ses dévots savent très bien qui n’assiste pas à la messe, qui ne va pas à confesse et qui crache par terre au passage des processions. Ca vaut bien un réseau de caméras de surveillance.
        Et pour mater les insurrections ouvrières, les chassepots de nos braves pious-pious ont fait merveille lors de la Commune de Paris. Comme les sabres des dragons pour disperser la manifestation ouvrière de Draveil en 1908.

        • à karib
          bien vu
          comme ça ils donnent une légitimité démocratique à la « colonialité » du pouvoir politique en France et poursuivent leur « mission civilisatrice » avec la bénédiction du pape.

          • lundi 12 juillet 2010 à 13h05, par ZeroS

            A propos de post-colonialisme, d’identité nationale, etc., quelques liens :
             × un documentaire exigeant, Ulysse Clandestin, avec des historiens et sociologues pour la suppression de l’innommable Ministère ;
             × un article bruyant sur le blog d’Agone à propos du Postcolonial Business en 2 parties, 1 et 2. A lire absolument.

            • lundi 12 juillet 2010 à 13h41, par Karib

              Merci à toi, ZéroS pour nous avoir fait découvrir ces réjouissants articles d’Agone, et notamment celui de Camille Trabendi qui éreinte de belle façon le triste sire Pascal Blanchard. On y retrouve la verve jubilatoire des situs, de l’Encyclopédie des Nuisances ou du Plan B.
              Mais la critique pourrait aller plus loin et inclure la juste fessée que méritent les Indigents de la République, la stalinienne ethnique Houari Bouteldja, le crétin Tévanian et sa groupie Sylvie Tissot, qui tous nous brandissent le hidjab comme instrument injustement décrié de l’émancipation féminine et emblème incontournable de la nouvelle vague identitaire censée reléguer la lutte des classes au rayons de vieilles lunes universalistes et donc racistes.
              Ceux-là ne fricotent pas avec la propagande d’entreprise : seulement avec la propagande de la contre-révolution identitaire.

              • lundi 12 juillet 2010 à 18h47, par un-e anonyme

                merci aussi à ZeroS pour l’article sur le free lance business ethnic historien, le dénommé Blanchard

                et je partage l’avis de karib, sur les autres mielleux cités qui calculent tout par intérêt

                il ne faut absolument pas qu’il y ait de consensus sur leurs magouilles !

                et c’est bienvenu karib, de rappeler qu’il n’y en a pas ici.

                Leur complicité avec les gros bourgeois qui ont bâti leur fortune à l’époque de l’esclavage et de la colonisation doit être dénoncée au grand jour.

                Ils ont participé au renouvellement de l’idéologie des classes possèdantes .

                sciemment.

                je rajoute donc une paire de baffes.

              • jeudi 15 juillet 2010 à 17h47, par Safwan

                Je trouve le procès fait aux Indigènes injuste et un peu facile. La hargne de Boutelja, sa verve est certes parfois outrancière mais certaines choses peuvent facilement échapper à ceux qui ne les ont jamais vécues.

                Les jeunes « issus de l’immigration » sont deux fois pris pour cible. En tant que pauvres et en tant que jeunes issus de l’immigration. C’est sur ce deuxième volet que jouent les Indigènes. Et sans être partisan de leur mouvement, je dois dire qu’ils sont pioniers dans cette lutte, les autres organisation (SOS racisme...) ayant entamé et même consumé le peu de légitimité qu’elles avaient. D’autres otganisation leur proposent l’acculturation comme moyen d’émancipation.

                Le Hijaab n’est qu’un symbole, un voile qui masque l’essentiel, un chiffon rouge que l’on agite. Ce qui est visé, à travers ce symbole, c’est une minorité ethnique et religieuse.

                Sans doute pensez-vous que l’Extrême Gauche laîque devrait avoir le monopole des luttes de classes et des combats pour l’émancipation. Mais beaucoup, dont moi, ne le pensent pas. Il faut accepter que d’autres puissent vous concurrencer sur ce créneau.

                Quant au fait que le Hijaab ne soit pas un élément d’émancipation, rien ne le prouve. Une fille qui se bat pour son droit à se vétir de la manière qu’elle le souhaite se bat pour son émancipation. Ce que vous pensez du Hijaab importe peu en la circonstance, à moins que comme le veulent les « staliniens », vous souhaitiez vous aussi libérer les autres contre leur gré.

            • lundi 12 juillet 2010 à 13h43, par ZeroS

              @ JBB :

              Voici un exemple typique d’émission de la chaîne Mediaset 5 (TF1 transalpin), Scherzi a parte (blagues à part), où (toute) la gauche est souvent une cible de journalistes de l’entertainment berlusconien. Au canular du lien qui précède, A. Mussolini est posée en victime (alors que la vraie cible sont les communistes italiens). Ce défonçage gratuit de la gauche est systématique sur la principale chaîne italienne.

              Un autre exemple d’émission en mode pop(-uliste), toujours sur la même chaîne, est La Pupa e il Secchione. Ce programme extrêmement populaire (et profondément maciste) voit régulièrement l’apparition de « célébrités » politiques venir participer au divertissement. La petite fille du Duce y a déjà participé. Le principe est simple : sous forme de TV réalité, former des couples (d’acteurs ?) avec une jeune fille cruche mais canon et un vieux dégueulasse faussement intelligent... c’est un peu comme si on balançait Marine Le Pen quelques jours dans le Loft ou je ne sais quelle autre programme ignoble de « TV Réalité »... abrutissant à souhait et dangereux !

      • Bonjour Mathieu,

        Je me suis mal exprimé :

        sous le terme « autorités » je dénonce les individus qui s’autoproclament détenteurs d’une autorité par jalousie du pouvoir que confère l’autorité.

        Ces individus sont paranoïaques à l’idée qu’il existerait une instance légitime : l’Autorité de la Loi.

        La fonction de cette instance serait d’entamer la tendance TOTALITAIRE de leur jouissance narcissique.

        Parano et pervers ! Pauvre Sarko ! T’es mal barré !

        Je voulais,aussi, souligner la similitude avec les prédateurs d’être qu’il prétend combattre....



  • J’ai pas encore lu jusqu’au bout et c’est peut-être abordé ensuite, mais rien que le titre de « capitalisme sécuritaire » m’a provoqué un léger frisson dans l’échine.

    Lorsque (Si ?) les violences urbaines et les rébellions seront (sont) un jour matées, imaginez la clique de financiers désormais aux commandes qui verra ses dividendes fondre...

    Plus d’émeutes, de violences -> Plus de dividendes -> ???

    Ces connards sont en train de faire des multinationales basées sur la répression, donc ils créent un besoin de révolte, de violence, d’émeutes, de rébellion, qu’ils alimenteront si leurs « incomes » sont insuffisantes.

    Verra-t-on des OPA sur des banlieues avec de fausses annonces afin provoquer des émeutes et de créer le besoin de réprimer ? Et je parle pas des fouteurs de merde des RG en manifestation, qui eux ont pignon sur rue depuis belle lurette...

    Cela dit, étant donné la gueule du système et la précarité qu’il engendre, les révoltes ne sont pas prêtes de s’arrêter... Et merde...

    Cdlmt



  • mardi 13 juillet 2010 à 11h15, par Paul Willems

    Pour moi, un des objectifs du procès de ceux de Villers-Le-Bel consiste à nier la responsabilité des forces de l’ordre pour le meurtre des deux jeunes qui a précédé les émeutes. Faire peur. Ce qu’on cherche à inculquer, c’est un réflexe mensonger. On fabrique le refoulement, une architecture inconsciente.

    Le pouvoir prétend faire, dire ce qu’il veut. Il prétend être le seul à avoir un point de vue. Il cherche à se prétendre dans son droit. Toute l’astuce consiste à propager un tabou. Il s’agit en même temps de convaincre les victimes de la répression que leur parole ne sera pas prise en compte, que l’arbitraire peut-être infini, de s’en vanter dans des rapports non officiels.

    Il y a aussi cet amalgame qui revient en force et qui concerne l’Afrique en particulier. Les jeunes de Villers-Le-Bel ont été comparés aux Hutus du parti hutupower de 1994.

    La répression nie qu’elle existe, et la violence qu’elle organise dans le reste du monde sert à cela.

    Le pouvoir politique stigmatise forcément la violence qui aurait cours ailleurs. Des états-émissaires concourent systématiquement à ce but. On organise même la violence dans ce but (pirates somaliens, conflit Hutus-Tutsis). On persiste à fournir des armes à des anciens génocidaires rwandais pour pouvoir faire état de la violence au Congo. Mais bien sûr, cela on n’en parle jamais. Comme on a nié pendant 20 ans qu’on soutenait matériellement la guérilla khmère rouge. Dans un cas sur deux, la critique de la violence du tiers-monde est du négationnisme à l’état pur.
    Le pouvoir politique cache le néocolonialisme. Il se prétend innocent comme la vierge à l’enfant. Le mensonge, le déni sont fondamentaux. Cela permet de recourir à une violence cachée, de provoquer des révoltes, de les réprimer. On fabrique une criminalité locale et d’autre part, on se vante de pratiquer une répression sans tâche.

    Voir en ligne : Négationnisme judiciaire

    • mardi 13 juillet 2010 à 12h10, par ZeroS

      Comme plusieurs fois en France, les révoltes de Los Angeles en 1992 sont partis de l’assassinat d’un jeune par des flics... qui ont été acquittés lors de leur procès. Conclusion : 55 morts (aucun dans la police), des milliers de blessés et 785 millions de dollars de dégâts avec un plan de restructuration urbanistique qui a foiré en cours de route...

      • mardi 13 juillet 2010 à 13h04, par un-e anonyme

        à ZeroS

        tout cela au nom des finalités civiques

        se foutent complètement que leur hypothèse soit juste ou fausse

      • mardi 13 juillet 2010 à 15h06, par ubifaciunt

        @zeroS : Plus précisément après l’acquittement des flics ayant tabassé Rodney King, celui-ci n’ayant pas trouvé la mort...

        • mardi 13 juillet 2010 à 16h52, par ZeroS

          Autant pour moi... le rédacteur de la préface de l’ouvrage « Los Angeles : City of Quartz » de Mike Davis (La Découverte) c’est planté si je ne m’abuse.



  • Si comme le dit mathieu Rigouste, la connaissance de ce qui nous opprime est une arme, je trouve, en tant que militante, que cette connaissance ne me paraît accessible qu’aux personnes politisées. On a beau être réprimé, être pauvre ou être sans papier, si nous n’avons aucune conscience politique, les révoltes se terminent sur du vide ou un marchandage qui permet de calmer sans détruire le système.

    ce qui est terrifiant, c’est de savoir que tout est programmé et que la majorité des personnes l’ignore complètement.

    tel à Calais, personne n’arrive à croire que le gouvernement organise les violences policières et effectue parfois des opérations étranges contre les réfugiés dans une perspective de manipulation de l’opinion.

    Et pourtant, c’est le cas. Calais est un terrain d’expériences policières du type fasciste où les médias locaux servent, à des degrès différents, de propagande autant à la sous-préfecture et à sa police qu’au grand patronat local. Les coups sont préparés en collaboration avec eux.

    Connaitre les oppresseurs doit forcément se doubler d’une connaissance de ce que l’on veut pour la suite.

    • Salut à vous, contributeurs d’A XI et merci pour la pertinence de vos propos et la « bienséance » de vos échanges...

      A Marie :

      je trouve, en tant que militante, que cette connaissance ne me paraît accessible qu’aux personnes politisées

      Je trouve ton propos quelque peu présomptueux (avec tout le respect qui sied aux contributeurs de ce site...)

      Les émeutiers des ZUS et autres clandestins du système en lutte ont-ils besoin d’avoir lu Marx, Bakounine, Stirner, Debord et les autres pour se voir affubler de cette « conscience politique » dont les militants prétendent au monopole ?

      La rage qui s’exprime, la confrontation aux forces de « l’ordre », le cramage d’écoles de la Raie-Publique et de bagnoles ne portent-ils pas en négatif une certaine conscience politique (ou une conscience politique certaine ?) ?...

      Simple vision romantique post-situ qui veut voir des révolutionnaires partout ?

      Je suis pas figé sur le sujet. Si ta stature de militante peut amener de l’eau (ou du vin...) au moulin de ma piètre pensée, merci d’avance.

      Une lecture intéressante à ce propos ICI

      Une petite production vidéo ICI

      En bonux, je me permet de remettre en lien une petite brochette de sociologues décorticant les prémices du sujet de Rigouste que j’avais posté ici même rapidementICI

      Voili, voilou, salut à vous...

      PS : Et merde, moi qui m’était promis de ne plus me cramer chez la DCRI du Net, me voilà encore en train de poster on-line et de me rajouter une page à mon fichier à charge...Bon stop la parano, quelques gouttes d’Haldol et tout ira mieux...



  • Ce livre important (de Mathieu Rigouste) propose une socio histoire du contrôle sécuritaire par l’armée sous la IVe et la Ve Républiques. Le fil conducteur en est l’utilisation recyclée de la doctrine de la guerre révolutionnaire (DGR) selon un processus complexe. Par le biais, d’abord, d’une pratique de la contre subversion en usage sous la IVe République, puis de son éclipse apparente de la doctrine militaire à la fin de la guerre d’Algérie grâce à la dotation par notre pays de l’arme nucléaire ; enfin, grâce à ses réapparitions subreptices sous des formes recomposées depuis les trente dernières années.

    [...]

    Ou bien enfin, la thèse reste indécise sur le plan scientifique, et prend alors le risque d’être jugée au seul plan de sa politisation contre le contexte actuel.C’est, au demeurant, l’un des travers les plus réguliers de nombreuses démarches constructivistes de la science politique critique dédiée, en France, aux objets policiers et militaires. Elles parviennent difficilement d’elles-mêmes à trouver les moyens de sortir du syndrome de la fascination et de la répulsion, ce qui les conduit bien souvent à déraper, par le biais d’une forme naïve d’engagement militant de dénonciation, tout en essayant de masquer cette posture.

    Comme je ne sais pas vraiment décider des intentions exactes de M. Rigouste à ce sujet, je me demande s’il ne vaudrait pas mieux lui accorder le crédit d’avoir publié un ouvrage courageux, novateur, utile et intéressant, un ouvrage certes un peu austère, mais que tous les criminologues cultivés de Champ pénal/Penal Field devraient méditer. Quitte à devoir prendre un peu de distance à l’égard des présupposés d’une gestion conspiratoire de l’histoire du renseignement contemporain mis censément au service d’un nouveau combat urbain.

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